Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
DE L’ART DRAMATIQUE

tion tragique, ils se moqueroient de l’une sans attendre l’autre ; chaque détail doit être pour eux aussi intéressant que le tout : ils ne font pas crédit d’un moment au plaisir qu’ils attendent des beaux-arts.

La différence du tbéâtre français et du théâtre allemand peut s’expliquer par celle du caractère des deux nations ; mais il se joint à ces différences naturelles des oppositions systématiques dont il importe de connoître la cause. Ce que j’ai déjà dit sur la poésie classique et romantique s’applique aussi aux pièces de théâtre. Les tragédies puisées dans la mythologie sont d’une toute autre nature que les tragédies historiques ; les sujets tirés de la fable étoient si connus, l’intérêt qu’ils inspiroient étoit si universel, qu’il suffisoit de les indiquer pour frapper d’avance l’imagination. Ce qu’il y a d’éminemment poétique dans les tragédies grecques, intervention des dieux et l’action de la fatalité, rend leur marche beaucoup plus facile ; le détail des motifs, le développement des caractères, la diversité des faits, deviennent moins nécessaires quand l’événement est expliqué par une puissance surnaturelle ; le miracle abrège tout. Aussi l’action de la tragédie, chez les Grecs, est-elle