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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

foule rassemblée priant Dieu avec confiance, tandis qu’une malheureuse femme, dans le temple même du Seigneur, rencontre l’esprit de l’enfer. Les paroles sévères de l’hyrnne sainte sont interprétées par l’inflexible méchanceté du mauvais génie. Quel désordre dans le cœur ! que de maux entassés sur une foible et pauvre tête ! et quel talent que celui qui sait ainsi représenter à l’imagination ces moments où la vie s’allume en nous comme un feu sombre, et jette sur nos jours passagers la terrible lueur de l’éternité des peines !

Méphistophélès imagine de transporter Faust dans le sabbat des sorcières pour le distraire de ses peines ; et il y a là une scène dont il est impossible de donner l’idée, quoiqu’il s’y trouve un grand nombre de pensées à retenir : ce sont vraiment les Saturnales de l’esprit que cette fête du sabbat. La marche de la pièce est suspendue par cet intermède, et plus on trouve la situation forte, plus il est impossible de se soumettre même aux inventions du génie, lorsqu’elles interrompent ainsi l’intérêt. Au milieu du tourbillon de tout ce qu’on peut imaginer et dire, quand les images et les idées se précipitent, se confondent, et semblent retomber dans les abîmes