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FAUST

tir et d’en jouir. Ce n’est pas une froide admiration que tu m’as permise, mais une intime connoissance, et tu m’as fait pénétrer dans le sein de l’univers, comme dans celui d’un ami ; tu as conduit devant moi la troupe variée des vivants, et tu m’as appris à connoître mes frères dans les habitants des bois, des airs et des eaux. Quand l’orage gronde dans la forêt, quand il déracine et renverse les pins gigantesques dont la chute fait retentir la montagne, tu me guides dans un sûr asile, et tu me révèles les secrètes merveilles de mon propre cœur. Lorsque la lune tranquille monte lentement vers les cieux, les ombres argentées des temps antiques planent à mes yeux sur les rochers, dans les bois, et semblent m’adoucir le sévère plaisir de la méditation.

Mais je le sens, hélas ! l’homme ne peut atteindre à rien de parfait ; à côté de ces délices qui me rapprochent des Dieux, il faut que je supporte ce compagnon froid, indifférent, hautain, qui m’humilie à mes propres yeux, et d’un mot réduit au néant tous les dons que tu m’as faits. Il allume dans mon sein un feu désordonné qui m’attire vers la beauté ; je passe a avec ivresse du désir au bonheur ; mais au sein