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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

dédain universel. Méphistophélès convient lui-même que le doute vient de l’enfer, et que les démons ce sont ceux qui nient ; mais il exprime le doute avec un ton décidé, qui, mêlant l’arrogance du caractère à l’incertitude de la raison, ne laisse de consistance qu’aux mauvais penchants. Aucune croyance, aucune opinion ne reste fixe et l’on s’examine soi-même pour savoir s’il y a quelque chose de vrai dans ce monde, ou si l’on ne pense que pour se moquer de tous ceux qui croient penser.

« Ne doit-il pas toujours y avoir une idée dans un mot, dit l’écolier ? — Oui, si cela se peut, répond Méphistophélès, mais il ne faut pourtant pas trop se tourmenter là-dessus ; car là où les idées manquent, les mots viennent à propos pour y suppléer. »

L’écolier quelquefois ne comprend pas Méphistophélès, mais n’en a que plus de respect pour son génie. Avant de le quitter, il le prie d’écrire quelques lignes sur son Album, c’est le livre dans lequel, selon les bienveillants usages de l’Allemagne, chacun se fait donner une marque de souvenir par ses amis. Méphistophélès écrit ce que Satan a dit à Ève pour l’engager à