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COMTE D’EGMONT

les oiseaux volent près de la terre, et semblent y chercher un asile ; la nature entière se prépare au fléau qui la menace : ainsi l’effroi s’empare des malheureux habitants de la Flandre. Le duc d’Albe ne veut point faire arrêter le comte d’Egmont au milieu de Bruxelles ; il craint le soulèvement du peuple, et voudroit attirer sa victime dans son propre palais, qui domine la ville et touche à la citadelle. Il se sert de son jeune fils Ferdinand, pour décider celui qu’il veut perdre à venir chez lui. Ferdinand est plein d’admiration pour le héros de la Flandre ; il ne soupçonne point les terribles desseins de son père, et montre au comte d’Egmont un enthousiasme qui persuade à ce franc chevalier que le père d’un tel fils n’est pas son ennemi. Egmont consent à se rendre chez le duc d’Albe ; le perfide et fidèle représentant de Philippe II l’attend avec une impatience qui fait frémir ; il se met à la fenêtre et l’aperçoit de loin, monté sur un superbe cheval qu’il a conquis dans l’une des batailles dont il est sorti vainqueur. Le duc d’Albe est rempli d’une cruelle joie à chaque pas que fait Egmont vers son palais, il se trouble quand le cheval s’arrête ; son misérable cœur bat pour le crime ; et quand Egmont entre dans la