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GOETZ DE BERLICHINGEN

tions : ces conditions restreignent quelquefois le sentiment et la pensée ; mais l’ascendant du spectacle est tel sur les hommes rassemblés, qu’on a tort de ne pas se servir de cette puissance, sous prétexte qu’elle exige des sacrifices que ne feroit pas l’imagination livrée à elle-même. Comme il n’y a pas en Allemagne une capitale où l’on trouve réuni tout ce qu’il faut pour avoir un bon théâtre, les ouvrages dramatiques sont beaucoup plus souvent lus que joués : et de là vient que les auteurs composent leurs ouvrages d’après le point de vue de la lecture, et non pas d’après celui de la scène.

Goethe fait presque toujours de nouveaux essais en littérature. Quand le goût allemand lui paroît pencher vers un excès quelconque, il tente aussitôt de lui donner une direction opposée. On diroit qu’il administre l’esprit de ses contemporains comme son empire, et que ses ouvrages sont des décrets qui tour à tour autorisent ou bannissent les abus qui s’introduisent dans l’art.

Goethe étoit fatigué de l’imitation des pièces françaises en Allemagne, et il avoit raison ; car un Français même le seroit aussi. En conséquence il composa un drame historique à la manière de