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GUILLAUME TELL

On voit encore près d’Altorf, dans le canton d’Uri, une statue de pierre grossièrement travaillée, qui représente Tell et son fils après que la pomme a été tirée. Le père tient d’une main son fils, et de l’autre il presse son arc sur son cœur, pour le remercier de l’avoir si bien servi. Tell est conduit enchaîné sur la même barque dans laquelle Gessler traverse le lac de Lucerne ; l’orage éclate pendant le passage ; l’homme barbare a peur, et demande du secours à sa victime : on détache les liens de Tell, il conduit lui-même la barque au milieu de la tempête, et s’approchant des rochers il s’élance sur le rivage escarpé. Le récit de cet événement commence le quatrième acte. À peine arrivé dans sa demeure, Tell est averti qu’il ne peut espérer d’y vivre en paix avec sa femme et ses enfants, et c’est alors qu’il prend la résolution de tuer Gessler. Il n’a point pour but d’affranchir son pays du joug étranger, il ne sait pas si l’Autriche doit ou non gouverner la Suisse ; il sait qu’un homme a été injuste envers un homme ; il sait qu’un père a été forcé de lancer une flèche près du cœur de son enfant, et il pense que l’auteur d’un tel forfait doit périr.

Son monologue est superbe : il frémit du