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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

tère de Tell, au moins dans celui que Schiller lui a donné, de manifester aucune opinion politique : sauvage et indépendant comme les chevreuils des montagnes, il vivoit libre, mais il ne s’occuppoit point du droit qu’il avoit de l’être. Au moment où Tell est accusé de n’avoir pas salué le chapeau, Gessler arrive, portant un faucon sur sa main : déjà cette circonstance fait tableau et transporte dans le moyen âge. Le pouvoir terrible de Gessler est singulièrement en contraste avec les mœurs si simples de la Suisse, et l’on s’étonne de cette tyrannie en plein air dont les vallées et les montagnes sont les solitaires témoins.

On raconte à Gessler la désobéissance de Tell, et Tell s’excuse en affirmant que ce n’est point avec intention, mais par ignorance qu’il n’a point fait le salut commandé. Gessler, toujours irrité, lui dit, après quelques moments de silence : — Tell, on assure que tu es maître dans l’art de tirer de l’arbalète, et que jamais ta flèche n’a manqué d’atteindre au but. — Le fils de Tell, âgé de douze ans, s’écrie, tout orgueilleux de l’habileté de son père : — Cela est vrai, seigneur, il perce une pomme sur l’arbre à cent pas. — Est ce là ton enfant ? dit Gessler : — Oui, seigneur, ré-