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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

haine meurtrière se réunissent maintenant dans la félicité universelle : celui qui peut se nommer Français en est fier ; l’antique éclat de la couronne est renouvelé, et la France obéit avec gloire au petit-fils de ses rois

C’est par moi que ce jour magnifique est arrivé, et cependant je ne partage point le bonheur public. Mon cœur est changé, mon coupable cœur s’éloigne de cette solennité sainte, et c’est vers le camp des Anglais, c’est vers nos ennemis que se tournent toutes mes pensées. Je dois me dérober au cercle joyeux qui m’entoure, pour cacher à tous la faute qui pèse sur mon cœur. Qui ? moi ! libératrice de mon pays, animée par le rayon du ciel, dois-je sentir une flamme terrestre ? Moi, guerrière du Très-Haut, brûler pour l’ennemi de la France ! Puis-je encore regarder la chaste lumière du soleil ?

Hélas, comme cette musique m’enivre ! Les sons les plus doux me rappellent sa voix, et leur enchantement semble m’offrir ses traits. Que l’orage de la guerre se renouvelle ; que le bruit des lances retentisse autour de moi ; dans l’ardeur du combat je retrouverai mon courage ; mais ces accords harmonieux s’insinuent dans