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Tout vogue en fort bon ordre ; et peu de temps apres,
On les juge ennemis lors qu’on les voit de pres.
Par tout on voit briller les armes esclatantes ;
Par tout on voit voler les enseignes flotantes ;
Sur la superbe poupe ; aux antenes ; aux mats ;
Mille et mille guidons serpentent haut et bas.
La rouge pavesade est à chaque navire,
Comme un mur esclatant par où le soldat tire :
Lors que d’un arc courbé, faisant voler ses traits,
Il s’en forme dans l’air comme un nuage espais.
Mille et mille clairons, mille et mille trompetes,
Anoncent aux guerriers, les guerrieres tempestes :
Excitent au combat ; et cent et cent tambours,
Meslent aux sons aigus, leurs sons grondans et sourds.
L’invincible Alaric qui voit la grande armée,
D’un heroïque feu sent son ame allumée :
Il esclate en ses yeux ; et d’un regard brillant,
Le heros se fait voir aussi gay que vaillant.
Il met toutes ses nefs sur une mesme ligne :
Et du grand general la prevoyance insigne,
Qu’au milieu des perils on remarque souvent,
En gauchissant un peu luy fait gagner le vent.
Pavillons, panonceaux, banderolles, et flames,
En ondoyant en l’air, tombent jusques aux rames :
Touchent presques la mer ; et d’un vol incertain,
Se relevent apres d’un mouvement hautain :
Et vole sur ces nefs aussi vistes que bonnes,
Le fameux estendart où l’on voit trois couronnes :
Et font