Lors qu’à la fin du charme, avec beaucoup d’effroy,
Il vit qu’il estoit jour, et ne vit plus le roy.
Il le cherche à la proüe ; il le cherche à la poupe ;
Il l’apelle ; il s’escrie ; il esveille la troupe ;
Et la troupe esveillée aprenant son ennuy,
Joint ses cris à ses cris, et cherche comme luy.
On ne le trouve point dans la chambre royale :
Et depuis le tillac jusques à fond de cale ;
On le cherche par tout, mais inutilement,
Et la douleur redouble avec l’estonnement.
On croit que dans la mer, pendant la nuit obscure,
Ce prince aura trouvé sa triste sepulture :
Que tombé dans les flots ils l’auront estouffé ;
Et que la mort enfin en aura triomphé.
L’on y jette aussi-tost des harpins et des sondes,
Mais on ne trouve rien sous les vagues profondes :
Ces adroits mariniers y plongent presques tous ;
Ils vont toucher en vain le sable et les cailloux ;
Et revenant sur l’eau sans aucune esperance,
Ils y meslent des pleurs, et leur deüil recommence :
Et par mille soupirs, profonds et douloureux,
Ils accusent le ciel d’un sort si malheureux.
Alors pour publier cette mort violente,
Ils font jetter en mer la chaloupe volante ;
Qui va de bord en bord aprendre à leurs vaisseaux,
Qu’ils ont tous fait naufrage au vaste sein des eaux ;
Que la perte du prince, est celle de l’armée ;
Et que son haut dessein est reduit en fumée.
Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/176
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