Page:De Saumery - Les délices du Pais de Liége, Tome I, 1738.djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
du Pais de Liége.

grandes ocupations, il alloit s’unir intimement à Dieu dans la priére, & la Méditation : ce fut auſſi, ſelon la plus commune opinion, dans ce lieu chéri, que par ordre de la nouvelle Épouſe du Souverain, dont il n’avoit

    cutus, de cauſa Martyrii parùm libero ore locutus eſt. Quod hac de cauſa feciſſe creditur, ne ſui temporis Regibus, culpam majorum ſuorum videretur ex probrare.

    Ces termes, ne ſui temporis Regibus culpam majorum ſuorum videretur exprobrare, marquent aſſés que l’intention de l’Auteur a été d’inſinuer, que Pepin étoit complice du meurtre de ſaint Lambert, & cette idée a été ſaiſie avec avidité par tous les Écrivains Liégeois poſterieurs à celui-ci.

    Elle n’a pas fait la même impreſſion en France. Les Écrivains de ce Roïaume ont prétendu, ſoûtenu, & même crû prouver, que Pepin & Alpaïs n’avoient eu aucune part à l’aſſaſſinat de ſaint Lambert, & qu’ils n’en étoient ni la cauſe directe, ni la cauſe indirecte.

    Un des plus doctes & des plus pieux Prélats que la France ait eu dans le Siécle dernier [Mr. Godeau Évêque de Vence dans ſon Hiſtoire de l’Égliſe.], blâmant dans un Ouvrage qui immortaliſera ſon nom, le commerce ſcandaleux de Pepin avec Alpaïs, a cité des actes qui prouvent, dit-il, indubitablement que Pepin & Plectrude réconciliés par les ſoins de ſaint Lambert vivoient enſemble l’an 6921. l’an 696. l’an 701. l’an 706. & l’an 714. qui fut celui du décès de Pepin, d’où il conclut que ce Prince n’eut aucune part au Martire de ſaint Lambert, & qu’Alpaïs n’y en eut pareillement aucune. Mais on peut conjecturer, ce me ſemble, que Dodon frere d’Alpaïs, courroucé contre ſaint Lambert qui avoit chaſſé Alpaïs du lit de Pepin pour y faire rentrer Plectrude ſon épouſe légitime, & ſe voiant, par conſéquent, privé des faveurs qui couloient juſqu’à lui par le canal de cette concubine, médita de concert avec Gal & Riolde la mort de ſaint Lambert, & l’aiant rencontré à propos, pour l’exécution de ſon dessein, dans la Chapelle de ſaint Côme & de ſaint Damien, ils l’aſſaſſinerent impitoïablement.

    C’eſt pourquoi le Prélat de France, ci-devant cité, juſtifiant Alpaïs & Pepin de cet aſſaſſinat, cherche à déſabuſer ceux, qui peu circonſpects, adoptent facilement les narrations fabuleuſes, diſant qu’on ſe perſuade mal à propos qu’Alpaïs ait fait aſſaſſiner Lambert.

    Il parle encore ailleurs de la mort de ſaint Lambert en ces termes. Cette même année, Lambert Évêque de Mastricht, parvint à la couronne du Martire, après s’être aquité très-dignement de ſon Ministére l’eſpace de 40. ans. Deux fréres, l’un nommé Gal & l’autre Riolde, perſécutérent le ſaint Prélat… Il est aiſé de comprendre qu’il tient le même langage de Godeſcale & de l’Évêque Étienne.

    Il n’y avoit rien en cela, qui tendît à diminuer la gloire de S. Lambert, ni à afoiblir le culte qui lui eſt rendu, & que le Ciel a paru, par tant de Miracles, avoir pour agréable. L’on vit cependant peu de tems après que l’ouvrage eut été donné au Public, paroitre un Livret ſous le titre, De tempore & cauſa Martyrii B. Lamberti, Tungrenſis Epiſcopi, Diatriba chronologica, & hiſtorica. Leodii, apud Guillelmum Henricum Streel 1679.

    L’Auteur de ce Livret qui n’a pas jugé àpropos de ſe faire connoître, est néanmoins connu ſous le nom de Mr. Sluſe, frére du Cardinal, un des plus ſavans de ſon ſiécle. Il avance en termes précis, que l’honneur & la gloire de ſaint Lambert ne ſont fondées, que ſur l’aſſaſſinat exécuté con-