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pour beaucoup dans notre accident. Voyons ! où étais-tu, polisson ? et qu’as-tu fait ?

Bouleversé de son bain et de sa chute, Sagababa n’eut pas l’idée de mentir et raconta, les mains jointes, les yeux baissés et la voix tremblante, ce qu’il avait imaginé pour empêcher le cheval de trotter.

Philéas écoutait, bouche béante… Quand le coupable eut fini, il se tourna vers Polyphème.

— Et vous croyez, Tueur, s’écria-t-il, que ça se passera tranquillement comme ça ! que faire à ce gredin ? Si je l’emballais et si je l’expédiais dans son pays natal, il ne l’aurait pas volé et nous serions tranquilles ; qu’en dites-vous ?

À ces mots, le négrillon éclata en sanglots bruyants.

— Sagababa, jamais quitter maître à moi, cria-t-il ; moi, me cramponner à lui et jamais lâcher…

Et il se précipita sur Saindoux qu’il étreignit avec désespoir.

Philéas tenta vainement de se dépêtrer ; il le pouvait d’autant moins qu’il n’était nullement aidé par Polyphème, celui-ci ne perdant pas une si belle occasion de rire. Enfin il parlementa ; il fut convenu que Sagababa lâcherait prise, retournerait à l’auberge et y attendrait patiemment les voyageurs.

Ceux-ci, enfin délivrés du petit nègre, relevèrent la voiture, rafistolèrent les harnais du cheval et purent reprendre paisiblement le cours de leur promenade.

Entraînés par la beauté des sites, les jeunes gens n’avaient pas remarqué le changement de l’atmosphère et les signes menaçants d’un orage prochain.