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Aucune issue ne se présentait à ses regards désespérés. La prairie seule touchait à la vallée. À gauche et à droite les escarpements étaient gigantesques. Pour comble de malheur, il entendait rire Polyphème et apercevait la tête de Sagababa qui savourait de temps en temps le café de « maître à moi ».

— Tueur, s’écria le pauvre Saindoux, avec un accent de détresse, comment pourrai-je me tirer de là ?

POLYPHÈME, d’un ton compatissant. — Retournez sur vos pas, mon bon ; une petite demi-lieue pour regrimper, une petite demi-lieue pour me rejoindre, ce n’est pas grand-chose pour vous.

PHILÉAS. — Merci ! j’en ai assez des petites demi-lieues, surtout dans le genre de celle que je viens de faire. Tant pis ! je vais escalader par ici.

Et Saindoux se mit à grimper sur un énorme chêne dont les branches lui faisaient espérer une descente possible. Mais il avait oublié qu’il avait sa grande ombrelle, toujours attachée au havresac. Il glissa tout à coup et se trouva suspendu dans le vide, gigotant et ahuri. Dans sa détresse, il poussa trois cris formidables sur trois tons différents. Polyphème s’en amusait de tout cœur.

Sagababa tournait le dos à la haie ; il ne voyait rien de ce qui se passait et, sachant que Polyphème riait sans cesse, il ne s’étonnait pas de sa gaieté. Cependant les trois cris extraordinaires de Philéas charmèrent son oreille, paraît-il, car il dit naïvement à Polyphème :

— Quoi moi entends ? belle tyrolienne chantée par maître à moi ?