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montré pour elle de l’affection, son cœur ne ressent aucune impression d’amour ni de dépit, elle fait d’ailleurs appel, dans le refrain de sa ballade, au jugement de « tous sages ditteurs ». Plus loin (ballade C) la même préoccupation se traduit encore dans ses deux vers :


Qu’on le tiengne a esbatement
Sans y gloser mauvaisement.


Le soin que la célèbre femme met à défendre sa réputation pourrait, jusqu’à un certain point, paraître exagéré, si l’on ne tenait justement compte des récriminations violentes qu’avait dû susciter son ardente polémique contre l’œuvre la plus estimée et la plus admirée de son époque, le Roman de la Rose.

Celle qui excellait à retracer dans ses vers la défense de l’honneur des femmes et la louange de leurs vertus[1], devait bien être jalouse pour elle-même de semblables éloges. N’avait-elle pas d’ailleurs le droit de dissiper les moindres doutes qui auraient pu planer sur son veuvage irréprochable et d’étouffer à l’avance les calomnies de ses adversaires ? C’est, comme nous le verrons par la suite, la préoccupation constante

    posées à l’intention de seigneurs familiers de la cour de Charles VI, mais la révélation de l’auteur à la ballade C

    Ne les ay faittes pour mérites
    Avoir ne aucun paiement

    nous interdit de penser qu’il ait pu transformer son talent en officine de compliments et de complaintes favorables à des intrigues amoureuses.

  1. Voy. l’Épître au dieu d’amours, le Dit de la Rose,… etc…