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Plaisant pensser et cuer tient en leesse
Ce jour de May gracieux plain de joye.

Prince amoureux, doulx, humain, sans hautece
De nul orgueil, par moy Amours vous proye
Que gay soyés pour vo doulce deesse,
Ce jour de May gracieux plain de joye.



LIII


Je ne croy pas que ma malle fortune
Puisse souffrir qu’aucun bien me secuere ;
Car de long temps, par rigle trop commune,
M’a couru sus, et quanque je labeure
N’est fors en vain ; car tout despiece en l’eure
La desloyal qui tout mal me pourchace ;
Quant bien me doit venir, meseur l’en chace.

N’il ne me vient a nulle heure pas une
Riens a droit point, pour chose que je queure,
La ou secours cuid trouver, mais nesune
Voye n’y a : il fault que je demeure
A tousjours mais ainsi, par quoy je pleure
Souvent, veant que, par diverse chace,
Quant bien me doit venir, meseur l’en chace.

Et puis qu’ainsi tel fortune respune
A tout boneur pour moy et tout deveure
Mes reconfors, avoir ne doy aucune
Espérance de jamais veoir l’eure
D’avoir reppos du mal qui m’acuere ;
Car je congnois qu’a tout quanque rechace,
Quant bien me doit venir, meseur l’en chace.