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Après avoir prononcé ce discours, l’acteur parcourut la salle afin de proposer aux personnes de qualité de conserver leurs loges pour la représentation à bénéfice. La famille que j’accompagnais venait de m’avertir de cette visite lorsqu’on frappa doucement à ma porte ; don Pancrace parut, en costume, ses coupons à la main.

— Vous avez donc réellement beaucoup d’enfants ? lui demanda la dame napolitaine.

— Ahi ! Excellence, il ne m’en faudrait plus qu’un pour faire la demi-douzaine. Si je pouvais les nourrir en leur donnant le fouet, ils seraient gras comme les truites du château de Caserte.

— Sainte Marie ! reprit la dame. Cinq enfants pour un pauvret comme vous ! et moi qui en désirerais avoir, je n’en ai point.

— Est-il possible, s’écria l’acteur, que le ciel refuse à une belle dame ce qu’il accorde avec tant de prodigalité au pauvre Pancrace ! J’en suis pénétré de confusion. Que votre excellence me pardonne : je ne veux pas avoir un sixième enfant de peur de lui faire envie.

— Nous garderons notre loge, don Pangrazio. Cela me portera peut-être bonheur. Tenez, voici une piastre.

Pancrace prit l’argent, fit un salut respectueux et sortit.

Je serais revenu bien volontiers voir la pièce des Guape (c’est-à-dire des fanfarons), mais avant le lundi de Pâques j’étais parti pour la Sicile et, à mon retour à Naples, cette bluette avait disparu, comme tant d’autres productions du laborieux Altavilla.