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LA TIARE DE SALOMON

geurs ne restèrent que juste le temps nécessaire pour former une caravane composée d’un chameau, d’un éléphant, d’un guide et d’une dizaine de serviteurs.

De tous côtés, ce jour-là dans l’hôtel où était descendu le baron Simono, des serviteurs hindous allaient et venaient très affairés, au milieu de valises, de caisses et de ballots de toutes dimensions.

Solidement harnaché, ayant sur le dos une sorte de niche carrée recouverte d’une toile à voile, un éléphant, s’éventant de ses longues oreilles, attendait devant l’hôtel.

Dominant le tumulte, on entendait la voix essoufflée de Simono qui donnait des ordres et s’informait à la hâte :

— Le chameau est-il arrivé ? c’est curieux ! je ne le vois pas ce chameau.

Oscar le rassura :

— On est en train de le charger dans la cour, monsieur le baron ; nous sommes prêts à partir. Sidonie elle-même n’attend plus que le signal du départ.

Mme Sigouard en effet, s’avançait vêtue d’un « complet cycliste » et la tête recouverte d’une casquette plate.

On venait de charger l’éléphant et à côté de la lourde bête, le chameau qu’on venait d’amener et sur lequel devait monter le couple Sigouard, attendait agenouillé en balançant sa longue tête indolente. Près des bêtes, les conducteurs, deux superbes hindous, un jeune et vieux mâchaient philosophiquement des feuilles de bétel.

En quelques instants le baron Simono et M. Ricochet, sa mandoline du temps de Crésus en bandoulière, furent installés dans le palanquin.

Quelques minutes après, la troupe dépassa les dernières habitations de la ville. Les époux Sigouard étaient juchés sur le chameau et malgré l’allure fatigante de la bête, ils discutaient avec animation sur les bénéfices que pourrait leur rapporter ce lointain voyage à travers l’Inde mystérieuse.

Le seul ennui du couple était la présence à leurs côtés du digne secrétaire de leur oncle durant le long voyage qu’ils allaient entreprendre.

Évidemment, M. Ricochet allait leur créer des ennuis et des déceptions. Cette âme droite se révolterait à la moindre infamie perpétrée par eux contre leur oncle.

— Tu aurais dû donner à entendre à notre vieil imbécile d’oncle, avant notre départ de Paris, que la présence de son secrétaire ne lui était d’aucune utilité, et qu’à nous seuls, nous étions amplement suffisants pour le protéger, dit Mme Sigouard.

— Il n’a rien voulu entendre…

C’est ce qui m’inquiète, reprit Mme Sigouard, qui, après un instant continua :

— Et puis il le croit, avec raison du reste, absolument dévoué. N’importe je me console en pensant que Ricochet est aussi bête qu’honnête.

— Hum !… pas si bête que ça : naïf, oui je ne dis pas… fit Oscar en secouant dubitablement la tête.

— Alors il faudra le mater une bonne fois, gronda Sidonie en fronçant ses sourcils noirs.

Le soir, nos voyageurs campèrent à Raipour, petit village situé a quelque vingt milles d’Ahemedabad.

C’était la première nuit que nos explorateurs allaient passer à la belle étoile.

On dressa deux tentes.

Engourdi par ce mode de locomotion nouveau pour lui, le baron Simono était descendu de son éléphant en bougonnant :

Satanée bête ! murmura-t-il en se frottant les reins et les cuisses, satanée bête ! je suis moulu, brise, rompu…

Il est de fait, monsieur le baron soupira douloureusement Ricochet, en secouant les jam-