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MÉMOIRES.

même des chevaux, il n’en était pas moins maltraité tant par la populace que par les habitants mêmes dont les effets étaient au pillage.

La rage des perturbateurs se tourna ensuite contre les connétables qui voulaient maintenir la paix. Assaillis de toutes parts, les uns se réfugiaient dans la cathédrale, ou dans le séminaire, tandis que les autres fuyaient par la côte de Léry,[1] d’où ils furent poursuivis jusque au-delà de la porte Hope.

Le désordre était à son comble, lorsque le colonel Brock arriva sur les lieux. Comme il était à cheval, il lui fut facile de juger la cause principale de cette émeute, et il cria d’une voix de tonnerre aux soldats de rentrer dans les casernes. À la voix de leur chef, qu’ils aimaient autant qu’ils le craignaient, ceux-ci s’empressèrent d’obéir. Le colonel parut réprimander vivement l’officier de garde, qui fit aussitôt fermer les portes des casernes. La populace craignant, sans doute, que la garde ne prêtât main forte au shérif, se tint coi, et tout finit par une scène burlesque.

Avant que les connétables, revenus de leur panique, eussent repris leur poste, un matelot, tenant d’une main deux perdrix, monta sur le pilori, et se mit à haranguer le peuple, tandis que d’une main il ébouriffait les cheveux du criminel déjà assez en désordre, et que de l’autre il lui frottait le visage avec les perdrix. La harangue du matelot irlandais devait être bien

  1. Il est regrettable que les Canadiens n’aient pas conservé le beau nom de côte de Léry auquel on a substitué celui de Hope-Hill. C’est dans cette même côte qu’existe encore la plus ancienne maison de Québec, construite par le famille de Léry