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Monsieur de Salaberry le père, sans se douter que ses fils en eussent hérité. C’était vers l’année 1809 que le jeune lieutenant Maurice de Salaberry, adjudant des milices canadiennes, exerçait une compagnie de volontaires canadiens dans un hangar situé au bas de la côte de la Canoterie, dans lequel était un canon, de je ne sais quel calibre, mais si pesant, qu’après maints efforts, les miliciens qui s’amusaient à faire des tours de force, avaient renoncé à le lever de terre par une de ses extrémités.

— Si votre père était ici, dit l’un des miliciens à leur jeune adjudant en lui montrant la pièce d’artillerie, il aurait bien vite culbuté ce soufflet !

Les gens du peuple et surtout les habitants appelaient souvent les canons des soufflets.

— Il est donc bien pesant votre soufflet ? dit le jeune officier, que des hommes comme vous Joseph Vézina, Pierre Voyer, Poussart, Guilbaut, Thom Dorion, ne puissiez le lever ? N’importe, pour l’honneur des Canadiens, je vais l’essayer à mon tour.

— Il va en faire de belle, notre adjudant, dit un farceur à demi-voix, il va en faire de belles prouesses avec ses grands doigts effilés et sa main blanche comme celle d’une demoiselle !

Mais il avait à peine achevé cette phrase, que les deux mains aristocratiques soutenaient le poids énorme à la hauteur de la ceinture du jeune officier.

Je reviens au sujet principal de ce chapitre. Quoique la force morale soit un don plus précieux que celui de la force physique, l’homme n’en est pas moins porté à donner une grande part d’admiration à cette dernière