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génie destructeur ! bouleverse cette maison jusque dans ses fondements, et avec ses débris comble la voûte dans laquelle l’usurier compte ses richesses ; tu auras alors accompli une digne mission de vengeance !

Que fait cette femme dans ce taudis, à un cinquième étage d’une maison délabrée ? Écoute, ô génie ! et prépare tes foudres !

— Maman ! maman ! du pain ! disent sept pauvres enfants à demi-nus en sortant la tête de la paille dans laquelle ils sont enfouis.

— Prenez patience, pauvres petits : votre père va bientôt revenir et vous aurez à souper.

Un pas lourd se fait entendre sur les marches de l’escalier, et la porte est à peine assez grande pour livrer passage à un homme ivre. Les enfants sortent en chancelant de leur grabat, et demandent à grands cris : Du pain ! du pain ! mon cher papa !

Un sanglot déchirant s’échappe de la poitrine de la malheureuse mère ; un coup de bâton la renverse sans connaissance sur le plancher, et les enfants se cachent dans leur paille fétide.

Frappe, ô génie destructeur ! mets fin à leurs horribles tortures ! mais frappe aussi sur les riches qui laissent mourir le pauvre de faim : tu n’auras que le choix des victimes, si tu parcours cette île fameuse si encombrée de richesses qu’elle pourrait acheter l’univers ![1]

  1. Mon dessein n’est pas de reprocher aux Anglais les cris de la misère sordide qui s’échappent de leur puissant royaume, mais ils ne devraient pas du moins jeter la pierre aux autres nations. Un de mes amis anglais, de retour d’un voyage sur le continent, me faisait un tableau bien lamentable