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mère prenait la part de sa fille ; et si la maman la reprenait, le papa disait : pourquoi fais-tu de la peine à l’enfant ? Ce qui n’empêcha pas Joséphine d’être à seize ans la plus belle fille de la paroisse de Sainte-Anne ; et si avenante (polie, gracieuse) avec tout le monde, surtout avec les garçons, que la maison des bonnes gens ne vidait jamais. C’était à qui se ferait aimer de la belle et riche héritière ; mais si La Fine jouait et folâtrait avec eux tous, si elle les amusait chacun leur tour, c’était pour accaparer tous les farauds (cavaliers) de la paroisse, s’attirer des compliments et faire enrager les autres jeunes filles ; car, voyez-vous, elle avait déjà porté ses amitiés sur un jeune homme, son voisin, qui avait été quasi élevé avec elle.

Si Joséphine était la plus belle créature (fille) de Sainte-Anne, Hippolite Lamonde, alors âgé de vingt-huit ans, en était le plus beau garçon, mais aussi doux, aussi patient qu’il était brave et vigoureux. La jeune fille et lui s’étaient fiancés en cachette depuis longtemps : ce qui n’empêchait pas Lamonde de souffrir en la voyant folâtrer avec tous les garçons qui l’accostaient : mais il mangeait son avoine sans souffler mot : il était trop fier pour se plaindre.

Hippolite aurait déjà fait la grande demande, mais son orgueil l’en empêchait, car il avait, un jour, entendu le père Lalande dire qu’il ne donnerait sa fille en mariage qu’à un jeune homme à son aise ; et qu’il n’entendait pas la donner à un quêteux.

Ça lui avait pris au nez comme de la fine moutarde, car sans être un quêteux, il n’avait presque rien devant lui. Son père chargé d’une nombreuse famille