Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mon souper, faites excuse pour ce soir, je vais me coucher, bon soir.

J’étais contrarié ; mais une idée lumineuse vint à mon secours.

— Attendez un instant, père, lui dis-je, je connais un excellent remède pour vous guérir de votre fatigue.

Et je préparai, aussitôt un gobelet de punch brûlant, à double charge de rhum, de sucre et de muscade : breuvage capable d’emporter la peau de la langue et du palais des mâchoires les mieux ferrées. Mais le père Chouinard avait la peau de cet organe dure comme un requin : il avala deux gorgées de la composition infernale sans sourciller, et déclara, en se faisant claquer la langue, qu’il n’y avait personne au monde capable d’apprêter un sangris comme M. Philippe ; et que pour l’en remercier, il allait lui conter une belle histoire de revenant.


LÉGENDE DU PÈRE ROMAIN CHOUINARD.


Rendez-moi mon bonnet carré.


Comme l’on fait son lit on se couche, dit sentencieusement le père Chouinard. Si Josephine Lalande eût été mieux élevée, morigénée par ses parents, quand elle était petite, elle ne leur aurait pas causé tant de chagrin, ainsi qu’à elle-même.

La Fine, comme tout le monde l’appelait, était fille unique ; et ses parents en étaient affolés, n’ayant point d’autres enfants qu’elle ; elle fut en conséquence élevée à tous ses caprices : si le papa la grondait un peu, la