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beaucoup que ma femme refuse de me reconnaître lorsque je serai de retour à Liverpool.

— Qui vous a soigné pendant votre maladie après avoir fait l’opération qu’exigeait votre mâchoire ? N’est-ce pas le prévenu et ne vous a-t-il pas donné les soins les plus attentifs ? Vous savez qu’il est impossible de remettre en place les os brisés, sans qu’il y paraisse tant soit peu ?

— Oui ; oui ; je conviens de tout cela, fit le plaignant, ce qui ne n’empêche pas de croire que s’il se fût contenté de se servir seulement de mes propres os, je n’aurais pas le menton de la longueur que je l’ai aujourd’hui. Je crois qu’il a ajouté une poignée des os du squelette qu’il tient enfermé dans son laboratoire.

Cette sortie fit rire les jurés et les spectateurs ; j’en tirais un bon augure, quand Fletcher, ennemi juré des Canadiens, demanda au témoin s’il était bien sûr que le prévenu ne l’avait pas frappé avec un caillou ; que pour lui il en était certain.

L’honnête Jack répondit qu’il n’avait pas vu de caillou dans la main du docteur ; et qu’il n’en avait pas ramassé en sa présence.

Je fis ensuite un discours, qui me parut très-pathétique, dans l’intérêt de mon client ; je dis que le prévenu avait été provoqué à un combat que tout jeune homme, qui a du sang dans les veines, ne pouvait refuser sans pusillanimité ; que le combat avait été franchement accepté par les deux parties, que le prévenu ne pouvait prévoir que le menton du plaignant fût fragile comme du verre, et que si c’était un assaut, les