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MÉMOIRES.

Madame Selby et sa cousine, partageait autrefois avec elle l’opinion publique sur l’esprit brillant dont elles étaient toutes deux douées ; que celle que l’on entendait causer la dernière faisait oublier les saillies de sa rivale absente.

Ce n’est qu’avec crainte que j’ai fait allusion à une dame dans ces mémoires, mais puisque j’ai passé le Rubicon, qu’elle me permette d’ajouter que si dans ses rapports intimes avec ses meilleurs amis, elle les menait un peu rondement, elle ne permettait cependant à personne la moindre réflexion désagréable sur eux dans leur absence ; c’est une qualité si rare, si exquise, que je me plais à la consigner, ainsi que celle encore plus précieuse d’accueillir toujours chez elle avec la même cordialité ceux de ses parents ou amies que des revers de fortunes faisaient négliger des classes opulentes. J’ai souvent vu son carrosse, (et il n’y en avait alors que trois dans la ville de Québec), arrêter devant la modeste boutique d’une pauvre dame déclassée, et partant abandonnée, non seulement de ses anciens amis, mais même de ses parents. Madame de Montenach répondait simplement à ceux qui paraissaient surpris de ces fréquentes visites : Elle fut mon amie dans des temps plus heureux !

C’est beau ! c’est grand ! c’est noble ! Et c’est si rare !

Je n’ose nommer ici une dame qui tient par des liens bien chers à madame de Montenach, n’étant pas aussi certain de son indulgence que de celle de ma vieille amie. Qu’elle me pardonne, si je dis un mot d’elle, si la reconnaissance, (et elle sait pourquoi), l’emporte sur la discrétion. J’épargnerai toutefois sa modestie ; je ne