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battant de cloche, suspendu à la partie supérieure de son crâne, vide pour l’occasion, frappait à coups redoublés sur cet organe desséché. Une soif brûlante le dévorait. Il voulait remuer la langue pour s’humecter la bouche, mais, oh ! horreur ! il lui sembla, que comme sa cervelle, elle avait déguerpi. Pour s’en assurer, il y porta la main, qu’il retira bien vite : elle était si sèche qu’il craignit qu’elle ne se brisât comme l’amadou entre ses doigts. Apercevant sur une table, près de son lit, un vase d’eau fraîche, il fait un effort pour se mettre sur son séant ; un cri de douleur lui échappe et il retombe la tête sur son oreiller.

Après avoir parlé de ce digne personnage à la troisième personne, par le respect qu’il m’inspire, je dois maintenant faire part au lecteur du dialogue suivant :

La conscience : Tu étais ivre hier au soir, mon fils Philippe ?

Moi : Je nie la majeure : exalté ? oui ; ivre ? non ; un jeune homme de vingt-et-un ans, s’il eût été ivre n’aurait pas parcouru à la vive course, attelé à une voiture contenant six à sept personnes, l’espace compris entre la porte Saint-Louis et la rue Sainte-Anne, et n’aurait pas fait le tour de force qui lui sauva la vie.

La conscience : Nous ne chicanerons pas, mon fils, pour si peu ; mais tu ne peux nier du moins que tu ne sois un maître sot ?

Moi, très humblement : Accordé, madame : le triste état dans lequel je suis réduit, en est une preuve évidente : il me faudra près d’un mois pour faire une nouvelle peau et pour reprendre ma place parmi l’espèce humaine, privé que je suis de la faculté que j’en-