Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/173

Cette page a été validée par deux contributeurs.
174
MÉMOIRES.

ladé un des flancs du cap Tourmente, et avoir cheminé pendant longtemps dans la forêt, on arrive mort de fatigue à une petite clairière, couverte de mousse brune, d’où jaillit une fontaine d’eau pure, limpide et glacée. Chacun de crier : « le cabaret ! le cabaret ! Tirez vos cadeaux pour la bonne femme du cabaret ! » Et les mystifiés cherchent la vieille de toutes parts au grand amusement de leurs compagnons.

Après une assez longue pose et après avoir fait honneur à l’hospitalité de la nymphe généreuse de cet oasis, on se remet en marche : et une demi-heure après, on arrive sur les bords enchantés d’une jolie nappe d’eau, où une haute croix, peinte en noir, fixe d’abord nos regards. Tout le monde s’agenouille en silence, en présence de ce signe de la rédemption, élevé dans ce désert ; et le prêtre, ou l’ecclésiastique, qui accompagne toujours les élèves dans cette promenade, entonne O Crux Ave ! Après cet acte religieux, tout le monde se livre à la plus folle gaieté.

Les uns cassent des branches de sapin pour renouveler le lit de la cabane dans laquelle on doit coucher, les autres bûchent du bois pour faire la marmite, nous éclairer et nous réchauffer pendant la nuit. Cinq à six s’emparent du canot pour se promener et pêcher sur le lac, et ceux qui n’aiment pas cette paisible jouissance font un vacarme à chasser tout le poisson.

Après la pêche du soir, toujours abondante lorsque le temps est favorable, on se réunit à la cabane où un excellent souper, arrosé de quelques verres de vin, distribués avec circonspection et prudence par le maître, suivant l’âge des jeunes gens, ne contribue pas peu à faire passer une des soirées les plus agréables dont j’aie souvenance.