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et elle atterre, elle foudroie, elle pulvérise de plus en plus le colosse de la Société. Il conclut toujours à supplier le roi d’ordonner qu’on travaille à un nouveau plan d’éducation. Le Parlement n’a point adopté cette partie de ses conclusions. Il est fâcheux qu’on ne saisisse pas le moment de détruire le fanatisme dans son berceau, en substituant aux préjugés, aux erreurs de toute espèce, dont on imboit la jeunesse, un code de vérités lumineuses, qui puissent la guider dans tous les temps de la vie.

8 — On écrit de Neufchatel que milord Maréchal, gouverneur de cette principauté, y a reçu une lettre du roi de Prusse, qui lui marque d’avoir tous les égards possibles pour Rousseau, de l’assurer de sa protection, et de lui offrir tous les secours dont il pourrait avoir besoin.

Il y a à Genève une fermentation considérable, occasionée par la condamnation du livre de Rousseau. Les ministres de l’Église réformée prétendent que les séculiers (le conseil souverain de Genève) ne l’ont condamné que par esprit de parti, à cause qu’il soutient dans le Contrat Social les vrais sentimens de la démocratie, opposée à ceux de l’aristocratie, qu’on voudrait introduire. À l’égard de la doctrine théologique renfermée dans Émile, ils disent qu’on pourrait la soutenir en bien des points ; que d’ailleurs on ne lui a pas laissé le temps de l’avouer ou de la rétracter. Ils ajoutent que l’on souffre dans l’État un homme, M. de Voltaire, dont les écrits sont bien plus répréhensibles, et que les distinctions qu’on lui accorde sont une preuve de la dépravation des mœurs et des progrès de l’irréligion qu’il a introduite dans la république depuis son séjour dans son territoire[1].

  1. Dans sa Correspondance littéraire, 1er août 1762, Grimm dit qu’il a