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la santé de cet académicien, confrère de S. A. S. ; et en conséquence ce prince envoyait et envoie encore savoir comment il se porte.

28. — Tout ce qui vient de M. de Voltaire est précieux. Voici encore une plaisanterie qu’on lui attribue[1], et où l’on trouve pour le moins autant de patriotisme que dans tous les mauvais vers dont nous sommes inondés : c’est à l’occasion des vaisseaux.


Extrait de la Gazette de Londres du 10 février 1762.

Nous apprenons que nos voisins les Français sont animés autant que nous, au moins, de l’esprit patriotique. Plusieurs corps de ce royaume signalent leur zèle pour le roi et pour la patrie. Ils donnent leur nécessaire pour fournir des vaisseaux, et on nous apprend que les moines, qui doivent aussi aimer le roi et la patrie, donneront de leur superflu.

On assure que les Bénédictins, qui possèdent environ neuf millions de livres tournois de rente dans le royaume de France, fourniront au moins neuf vaisseaux de haut bord ; que l’abbé de Cîteaux, homme très-important dans l’État, puisqu’il possède sans contredit les meilleures vignes de Bourgogne et la plus grosse tonne, augmentera la marine d’une partie de ses futailles. Il fait bâtir actuellement un palais, dont le devis est d’un million sept cent mille livres tournois, et il a déjà dépensé quatre cent mille francs à cette maison pour la gloire de Dieu ; il va faire construire des vaisseaux pour la gloire du roi.

On assure que Clairvaux suivra cet exemple, quoique

  1. Cette facétie est effectivement de Voltaire, et se trouve dans les éditions de ses Œuvres complètes. — R.