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et Constance. Ce drame a été représenté à Auteuil, chez les demoiselles Verrière[1] ; il est tiré de la Courtisane amoureuse, conte de La Fontaine. On sent tout le sel que devait avoir cette pièce en pareil lieu. L’auteur veut la resserrer en un acte, et nous en régaler aux Français.

25. — L’indisposition de mademoiselle Clairon a fait interrompre hier Zaruckma. Cette actrice célèbre ne peut éprouver quelque dérangement dans sa santé que tout le monde littéraire ne s’en ressente ; on prétend que la pièce n’est point de son goût, et en général les Comédiens en avaient mauvaise opinion, et ne voulaient pas la jouer. Le succès en est dû à M. Colardeau. Ce jeune auteur, étant un jour allé voir le sieur Le Kain, trouva cette pièce manuscrite dans un coin de la chambre du comédien ; il demanda ce que c’était : l’acteur lui répondit que c’était une tragédie d’un comédien de province, homme inconnu et d’un certain âge ; qu’il ne doutait pas qu’elle ne valût rien, et que depuis six mois qu’elle était soumise à son examen, il n’avait pas eu le courage de la lire. M. Colardeau tança vivement Le Kain sur cette négligence, et lui fit sentir combien ce procédé était malhonnête, contraire à toutes les bienséances, et même aux intérêts de la troupe… Il prit sur lui de faire la lecture de ce drame ; il en fut très-content : il engagea Le Kain à le lire à l’assemblée. Le suffrage d’un jeune auteur ne fut pas prépondérant contre les préjugés de cette troupe. La pièce fut encore ballottée long-temps ; la jalousie s’en mêla ; et ce n’est qu’après avoir trouvé d’illustres protecteurs, que le sieur Cordier est parvenu à se faire jouer. On assure même que le sieur Le Kain et quelques autres

  1. V. 26 avril 1763. — R.