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MÉMOIRES SECRETS

sement la question des deux puissances ; mais sortant bientôt du ton sérieux qu’il affecte, on voit qu’il ne se pare de son érudition que pour faire passer les plaisanteries qu’il se permet contre le pape, la cour de Rome et ses ministres. M. de Voltaire, à qui on attribue cette facétie, ne fait que répéter beaucoup de choses triviales, mais toujours avec des traits, des étincelles, qui le décèlent de temps en temps. Cette drogue est très-rare.

7. — Les Français ont donné hier la première représentation de l’Orpheline léguée. On sait le trait du citoyen de Corynthe qui, en mourant, lègue à Eudamidas, son ami, le soin de nourrir sa femme et de pourvoir sa fille. Ce trait a fourni à Fontenelle le sujet de sa comédie du Testament, et à M. Saurin celui du nouveau drame. À cela près les deux pièces n’ont aucun rapport. Le principal but de cette comédie est de nous corriger d’un ridicule assez en vogue chez beaucoup de gens ; c’est notre admiration excessive pour les Anglais et pour tout ce qui vient d’eux. Il y a des scènes très-plaisantes et très-ingénieuses dans les deux premiers actes : le troisième commence par une très-longue scène, où l’on trouve une dissertation sur le vrai philosophe, excellente partout ailleurs, mais fort déplacée dans un dernier acte. Comme il paraît que M. Saurin, très-dévoué à M. Helvétius, l’à eu en vue dans ce drame, il faut rendre un compte détaillé de cet endroit. La scène se passe entre deux amis, dont l’un magistrat, mais devenu fou et sot à force d’anglomanie, veut absolument renoncer à tout et même à sa charge, pour vaquer uniquement à la philosophie. L’autre veut le détourner de ce projet, et lui fait sentir que le vrai philosophe est celui qui est utile à la société, et sait remplir le poste où la Providence l’a placé. Le ma-