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MÉMOIRES SECRETS

ment tout ce qui a rapport à eux. Depuis quelque temps il a débuté à l’Opéra une danseuse fort bien tournée, nommée mademoiselle Robbe ; elle a donné dans les yeux à M. de Lauraguais, qui n’a pu s’empêcher de témoigner à mademoiselle Arnould l’impression qu’il avait éprouvée. Celle-ci a reçu cette confidence avec la même philosophie que l’amant la faisait ; elle a pris sur elle de suivre la passion nouvelle de M. de Lauraguais, et d’en apprendre les progrès de sa propre bouche. Un jour qu’elle lui demandait où il en était, il ne put s’empêcher de lui témoigner qu’il était désolé de voir toujours chez sa nouvelle divinité un certain chevalier de Malte qui l’offusquait fort, « Un chevalier de Malte ! s’écrie mademoiselle Arnould ; vous avez bien raison, M. le comte, de craindre cet homme… ; il est là pour chasser les infidèles. »

11. — On a laissé passer en France, depuis quelque temps, le livre de M. d’Argenson, intitulé : Considérations sur le Gouvernement de France. On y a mis des cartons. Ceux qui ont eu l’ouvrage manuscrit entre les mains et qui étaient amis de l’auteur, tels que plusieurs membres de l’Académie des Belles-Lettres, conviennent que ni celui-là ni l’autre, imprimé en Hollande, ne sont le véritable texte. Tout en a été altéré, jusqu’au titre, qui était : Jusqu’où la Démocratie peut s’étendre dans un État monarchique. On prétend que c’est à Rousseau de Genève qu’on doit cet ouvrage, tout imparfait qu’il soit, et que M. le marquis de Paulmy, fils de l’auteur, a le véritable manuscrit.

11. — Il passe pour constant que Garrick, ce fameux comédien de Londres, qui est à Paris depuis long-temps, a pour but de travailler à une pièce qui puisse servir de