Ces utiles momens qu’en courant j’ai perdus.
Les neuf Muses ne suivent guère
Ceux qui suivent l’Amour. Dans ce métier galant
Le corps est bientôt vieux, l’esprit long-temps enfant.
Mon esprit et mon corps, chacun pour son affaire,
Viennent chez vous sans compliment :
L’esprit, pour se former, le corps pour se refaire.
Je viens dans ce château voir mon oncle et mon père.
Jadis les chevaliers errans
Sur terre après avoir long-temps cherché fortune,
Allaient retrouver dans la lune
Un petit flacon de bon sens :
Moi, je vous en demande une bouteille entière ;
Car Dieu mit en dépôt chez vous
L’esprit dont il priva tous les sots de la terre,
Et toute la raison qui manque à tous les fous.
21. — Fréron avait si bien fait mouvoir ses amis, que la reine avait ordonné qu’il eût sa grâce. Mademoiselle Clairon ne s’est point trouvée satisfaite. Elle a écrit de nouveau aux gentilshommes de la chambre une lettre très-pathétique, où elle témoignait son regret de voir que ses talens n’étaient plus agréables au roi qu’elle le présumait, puisqu’on la laissait avilir impunément : qu’en conséquence elle persistait à demander sa retraite. Elle est allée ensuite en personne chez M. le duc de Choiseul, où, après avoir épanché son cœur, elle lui a fait part de son projet. « Mademoiselle, a repris M. le duc, nous sommes, vous et moi, chacun sur un théâtre, mais avec la différence que vous choisissez les rôles qui vous conviennent et que vous êtes toujours sûre des applaudissemens du public. Il n’y a que quelques gens de mauvais, goût, comme ce malheureux Fréron, qui vous refusent leurs suffrages. Moi, au contraire, j’ai ma tâche souvent