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rien de neuf ni de piquant : c’est un très-mauvais ouvrage.

On a donné aujourd’hui la première représentation de l’Écueil du Sage. M. de Voltaire, pour consoler ses envieux, après avoir échoué dans le tragique a voulu sans doute échouer aussi dans le comique. Cette pièce est aussi mauvaise dans son genre que Zulime l’était dans le sien. C’est une bigarrure des plus choquantes. Les deux premiers actes sont une farce, une parade digne des boulevards ; le troisième se monte sur le haut ton ; le quatrième le soutient, et le cinquième est des plus détestables. Il y a pourtant quelques scènes qui décèlent le grand maître, et c’est en cela que ce drame est supérieur à la dernière tragédie de l’auteur.

19. — On parie beaucoup de la reprise de l’Encyclopédie. Les volumes de planches commencent à paraître ; ils réveillent la curiosité publique, et l’on se demande quand on verra finir cet ouvrage, dont la suspension fait gémir l’Europe ? Tout le manuscrit est fait ; on n’attend qu’un regard favorable du gouvernement, pour en profiter, et se mettre du moins à l’abri des persécutions de l’ignorance et du fanatisme, en sorte que l’autorité ne pourra plus se prévaloir contre ce dépôt immortel de l’esprit humain[1].

20. — Il paraît que tout le monde n’est pas d’accord pour admirer le retour de mademoiselle Arnould à M. le comte de Lauraguais[2]. Ce raccommodement fait

  1. Après de nombreuse traverses suscitées par le fanatisme et l’hypocrisie, l’Encyclopédie était parvenue au septième volume lorsqu’un arrêt du Conseil du roi, du 8 mars 1759, révoqua le privilège accordé à l’ouvrage, et arrêta cette vaste entreprise au milieu de son cours. Elle ne fut terminée qu’en 1765 par la publication des dix derniers volumes du texte et de cinq volumes de planches. L’ouvrage entier forme vingt-deux volumes in-folio. — R.
  2. 1er janvier 1762. — R.