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MAI 1764

rieuse, et humiliante pour l’auteur, qu’il a convaincu d’ignorance et de mauvaise foi. On l’impute à un nommé Villaret, rédacteur de la suite de l’Histoire de France par feu l’abbé Velly, et que les ducs ont nommé garde de leurs archives depuis quelques années : titre de nouvelle création de leur part.

31. — Il court des vers qu’on peut regarder comme une énigme, et qui n’ont quelque sens que par leur malignité. Ils roulent sur des anecdotes scandaleuses, vraies ou fausses, mais connues à la cour, où l’on croit tout, parce qu’on s’y sent capable de tout.


Apres avoir détruit l’autel de Ganymède,
AprèVénus a quitté l’horizon :
À tes malheurs encor, France, il faut un remède :
AprèChasse Jupiter et Junon[1].

  1. Voici de quelle manière la malignité des courtisans interprétait cette énigme : Venus désignait la marquise de Pompadour, morte depuis peu ; Jupiter, le duc de Choiseul, et Junon, la duchesse de Grammont, sa sœur, avec laquelle il vivait, s’il en faut croire la chronique scandaleuse du temps, dans une intimité plus que fraternelle. Quant au Ganymède dont Vénus-Pompadour aurait détruit l’autel, nous n’avons découvert dans la vie privée dé Louis XV, à laquelle, sans aucun doute, l’auteur de l’épigramme a voulu faire allusion, rien qui puisse donner lieu à d’odieux soupçons. Toutefois il est juste de remarquer qu’à l’époque où ce monarque sortait à peine de l’enfance, quelques jeunes seigneurs libertins tentèrent de jouer près de lui le rôle que Mazarin, au dire de La Porte, avait essayé près de Louis XIV. « Si vous me promettez, écrivait Voltaire à la présidente de Bernières, de m’envoyer bien exactement les Nouvelles à la main que vous recevez toutes les semaines, je vous dirai pourquoi M. de La Trimouille est exilé de la cour. C’est pour avoir mis très-souvent la main dans la braguette de Sa Majesté très-chrétienne. Il avait fait un petit complot avec M. le comte de Clermont de se rendre tous les deux les maîtres des chausses de Louis XV, et de ne pas souffrir qu’un autre partageât leur bonne fortune. M. de La Trimouille, outre cela, rendait au roi des lettres de mademoiselle de Charolais… Tout cela me fait très-bien augurer de M. de La Trimouille, et je ne saurais m’empêcher d’estimer quelqu’un qui, à seize ans, veut besogner son roi et le gouverner. Je suis presque sûr que cela fera un très-bon sujet. » — R.