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MÉMOIRES SECRETS

envoyant un exemplaire de sa pièce, lui a adressé le quatrain suivant :


Ce drame est ton triomphe, ô sublime Clairon :
Blanche doit à ton art les larmes qu’on lui donne ;
BlancEt j’obtiena à peine on fleuron,
BlancQuand tu remportes la couronne.

10. — Avant-hier jeudi les Italiens ont donné la première représentation de Rose et Colas, pièce en un acte mêlée d’ariettes. La musique est de M. Monsigny, les paroles sont de M. Sedaine. Le poème, suivant l’usage, est peu de chose ; il est trivial et d’une nature peu choisie. Une jeune fille amoureuse voit son amant à l’insu de son père, qui s’oppose à leur mariage de concert avec celui du jeune homme. Les parens les trouvent trop jeunes. Le gars ardent élude l’œil vigilant du bon homme. Un accident imprévu trahit les deux amans et force les parens à conclure un hymen déjà bien avancé. Tel est le fond sur lequel le musicien a adapté une musique agréable, mais peu piquante quant à la nouveauté.

11. — On a déjà parlé[1] de la Dunciade ou la Guerre des Sots ; c’est un poëme satirique en trois chants : la Lorgnette, le Bouclier, le Sifflet. La fiction n’en est pas ingénieuse. Il y a quelques détails très-bons, et le coloris en est quelquefois d’une grande vérité. On ne peut que détester le méprisable auteur qui a fait une pareille capitolade. C’est une Saint-Barthélemy littéraire, où tout est immolé, à la réserve de quelques personnes protégées du gouvernement : les femmes mêmes sont citées à cet infâme tribunal. Parmi les héros de l’auteur, que le respect, la crainte ou des circonstances particulières l’avaient

  1. V. 29 février 1764. — R.