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MÉMOIRES SECRETS

son titre, et ne mérite pas une plus grande analyse.

21. — L’histoire arrivée en Angleterre à M. d’Eon de Beaumont[1] donne lieu de faire des recherches sur son compte, et voici ce qui en résulte. Il passe pour avoir été employé dans les négociations de la paix plutôt par intrigue que par véritable choix du ministère. Sa première mission en Russie a été celle d’un spadassin. Le grand-duc voulait un maître-d’armes : on choisit M. d’Éon, qui avait ce talent, dans la confiance qu’il ménagerait le retour d’un ministre de France à Saint-Pétersbourg. Ce qu’on avait prévu arriva ; il s’insinua dans l’esprit du grand-duc, fut de ses parties de plaisir ; il fit entrevoir que la France enverrait volontiers un ambassadeur… Il fut secrétaire d’ambassadeur, et enfin d’ambassade. On lui donna un brevet de capitaine de dragons. Dans cet intervalle, il publia quelques écrits sur le commerce, dont il se fit honneur. Ils pouvaient en faire à son auteur, mais il n’était que prête-nom, à ce qu’on prétend. On veut que ces écrits soient de son oncle et de M. Dupin, qui n’ont pas voulu réclamer. Quoi qu’il en soit, il était comblé de grâces, avait deux mille écus de pension, le titre de ministre plénipotentiaire, et la croix de Saint-Louis, lorsqu’il a eu une rixe en Angleterre, chez le lord Halifax, contre un Français, M. de Vergy, à l’occasion de la paix dernière, que ce dernier prétendait honteuse, et qu’il a soutenue nécessaire. M. de Guerchy,

  1. Charles-Geneviève-Louise-Auguste-André-Timothée D’Éon de Beaumont, né à Tonnerre le 5 octobre 1738, mort à Londres le 21 mai 1810. Les aventures et les nombreux écrits de ce singulier personnage contribuèrent moins encore à sa célébrité que le voile mystérieux dont son véritable sexe fut si long-temps enveloppé. Comme tout devait être bizarre dans sa destinée, on a remarqué d’étranges contradictions sur les registres de la paroisse où il reçut le baptême ; on y lit : «  d’hier… a été baptisée par nous, » etc. — R.