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MÉMOIRES SECRETS

dans sa réponse[1] les motifs de la détention de ce seigneur ; il le suppose en ce poste comme honoré de la confiance du roi ; il le félicite, et ne doute pas que S. M. n’ait reconnu ses talens, en les récompensant aussi honorablement. C’est un persiflage aussi indécent que facile à faire.

25. — M. de Sauvigny nous a lu une tragédie bourgeoise en un acte dans le goût d’Otello, C’est un mari qui surprend chez lui un ancien amant de sa femme, il la soupçonne d’adultère. Cette pièce, le coup d’essai de l’auteur, a de beaux vers de sentiment, mais qui perdent beaucoup par l’invraisemblance des situations ; elle n’est point imprimée ; elle s’appelle Zélide.

26. — Les Comédiens Français ont donné aujourd’hui la première représentation de Blanche et Guiscard, tragédie de M. Saurin, imitée librement de l’anglais, est-il dit sur l’affiche. Ce drame est vicieux dans ses caractères et dans sa contexture ; il paraît d’abord prêter beaucoup par sa catastrophe sanglante et par la violence des passions où se trouvent les acteurs ; mais l’instabilité des caractères, petits et grands, dans la même action, les rend impropres à la scène. On peut voir le sujet dans Gilblas, qui a été littéralement imité. Il se passe une reconnaissance dès le premier acte, ce qui est contre toutes les règles dramatiques.

Le coup d’épée que le connétable donne à sa femme, quoique couché sur le plancher, est merveilleusement exécuté. Bellecour le pousse avec toute la grâce possible. Mademoiselle Clairon n’a pas joué avec le même succès qu’à l’ordinaire : elle fait Blanche. L’auteur a sup-

  1. Cette réponse que Wagnière reconnaît avoir été adressée au comte de Lauraguais par Voltaire manque dans toutes les éditions de ses Œuvres. — R.