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AOÛT 1763

le soupçonner du roi de Prusse, ou peut-être de La Métrie, mort à la cour de ce prince. Quoi qu’il en soit de la génération de cet écrit peu répandu, mais fort recherché, il est du nombre de ceux qui n’auraient jamais dû voir le jour ; malheureusement il est imprimé et conséquemment indélébile.

Ier Septembre. — La littérature essuie des modes, ainsi que tout le reste. Depuis quelque temps les génies se sont tendus vers la finance et la politique. Les calamités de l’État ont fait naître des écrits vigoureux, presque dignes des beaux jours des républiques d’Athènes et de Rome. On y voit la liberté palpitante rendre ses derniers soupirs avec la plus grande énergie. On sent bien que nous voulons parler des belles remontrances que nos divers parlemens ne cessent de faire en ces temps orageux. Celles de Bordeaux ne sont point inférieures à celles de Paris et de Rouen, elles enchérissent même, et n’approchent point encore, à ce qu’on assure, de celles de Grenoble.

2. — L’ouvrage de M. Thomas fait un bruit du diable à la cour ; les fermiers-généraux surtout s’en plaignent. Malgré les retranchemens qu’on assure y avoir été faits par l’Académie, on y trouve encore des choses trop fortes pour des temps où l’adulation et la mollesse ont énervé toute la vigueur des âmes. On est surpris qu’un homme attaché à un ministre ait parlé avec tant d’amertume de l’administration moderne. Ce langage ferait honneur au maître, s’il l’avait entendu.

3. — On crie plusieurs arrêts du Conseil qui suppriment les beaux écrits dont on a parlé. Il semble qu’on veuille interdire aux parlemens la liberté de faire imprimer ces grands morceaux d’éloquence, propres à trans-