Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
153
AVRIL 1763

consolé de ce nouveau malheur par une Epître aussi agréable que la première ; elle s’adresse encore à un ami.


 
De quel poids on est soulagé
Lorsque l’on perd une maîtresse !
Enfin, ami, le charme cesse,
Je suis heureux, j’ai mon congé.
Ris avec moi de ma disgrâce,
Les regrets ne mênent à rien.
Laïs ne laisse aucune trace
Dans un cœur formé sur le tien.
Tout m’amuse et rien ne me lie.
Il faut pourtant en convenir,
Laïs est jeune, elle est jole :
C’est pour cela que je l’oublie ;
On risque à s’en ressouvenir.
Que je hais ce front où respire
L’intéressante volupté,
Cet art de tromper, de séduire,
Si semblable à la vérité,
Et sa folie et sa gaîté
Et les grâces de son sourire !
Que je dédaigne, que je hais
Cette flottante chevelure,
Qui sert de voile à ses attraits,
Ou bien qui leur sert de parure !
Ce sein qu’Amour sait embellir,
Qui s’enfle, s’élève, ou s’abaisse
Au moindre souffle du désir,
Où la rose semble fleurir
Sous la bouche qui le caresse ;
Ses caprices qui sont des lois,
Ce feu dont son œil étincelle,
Et les sons touchans de sa voix
Qui jute une ardeur éternelle
À cinquante amans à la fois !
Je la déteste je l’abhorre.