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MÉMOIRES SECRETS

politiquement. Il est le premier qui ait opposé son bouclier à cette inondation de maximes abominables. Il avait eu la déférence de prévenir M. l’archevêque de Paris, de conjurer ce pasteur de remplir la promesse qu’il avait faite de donner quelque chose sur cette matière ; il l’avait assuré qu’il convenait qu’il marchât le premier, qu’il suivrait ses traces, etc. « Allez toujours devant, Monseigneur, lui a dit M. l’archevêque, nous ne marchons pas sur la même ligne. »

11. — L’Opéra a donné aujourd’hui Polixène, tragédie nouvelle en cinq actes, musique de M. Dauvergne et paroles de M. Joliveau, secrétaire perpétuel de l’Académie de Musique.

Le poëme est très-médiocre. On accuse le musicien de chercher toujours à peindre, et de ne jamais attraper ce qu’il cherche, de ne donner rien à chanter, d’être plein de réminiscences, presque toutes défigurées. Le spectacle est assez pompeux, autant que le comporte la scène. Les ballets sont pittoresques en quelques endroits, entre autres dans le quatrième acte, où la jalousie vient tourmenter Pyrrhus avec un chœur de Furies et de Démons. Cet endroit rappelle Psyché : mais quelle différence, pour l’intérêt, entre une jeune princesse effrayée de toutes les horreurs de l’enfer, et un prince guerrier et intrépide ! Doit-il avoir peur des diables ? peut-on le plaindre ?

On a admiré avec raison une décoration du second acte : il est question d’une tempête. Le fond du théâtre représente la mer et un ciel serein d’abord ; peu à peu, à mesure que l’orage se forme, on voit s’élever les nuages du sein de l’onde. Cette manœuvre bien exécutée pourrait faire l’illusion légère qu’on désire en pareille occa-