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LE MYSTÈRE DES MILLE-ÎLES

vers la poésie et le roman, que vers l’économie politique, l’histoire et la philosophie.


— IV —


Le premier soin de Hughes Dufresne, après avoir pansé la blessure de son bras, fut d’examiner son aéroplane.

Il reconnut que le moteur n’avait pas été trop endommagé. Par contre, les ailes et la structure étaient en piteux état. Cependant, les dégâts n’étaient pas irréparables. L’hydroplane, — car il s’agissait d’un hydroplane, — pourrait encore, sinon le ramener chez lui, du moins lui permettre de quitter l’île sans avoir à faire, comme un naufragé de roman d’aventures, des signaux aux navires passant au large.

Il faudrait évidemment remettre plusieurs choses au point. Mais, pour l’instant, l’essentiel était sauf et Hughes poussa enfin un long soupir de soulagement.

Son naturel avait repris le dessus. L’insouciance et la gaieté lui revenaient.

— Allons ! se dit-il, on en sera quitte pour camper dans un endroit imprévu. Ce n’en est que plus drôle et ça rappellera un peu le temps de la guerre.

Ensuite, il se mit en devoir d’examiner le terrain où le hasard l’avait amené. Ne s’agissait-il pas, la vie étant sauve, de tirer le meilleur parti de la situation ? Pour cela, il importait, avant tout, de savoir exactement où l’on se trouvait.

Tout d’abord, l’aviateur ne put apercevoir autour de lui qu’une succession de rochers couverts d’une maigre végétation, car il était tombé au fond d’une dépression de terrain, de sorte que son horizon se trouvait fort circonscrit.

Il escalada donc un des rochers, celui qui pouvait lui permettre de voir une plus grande étendue.

À ses yeux se présenta alors une côté dénudée qui tombait brusquement en falaise dans l’eau. Plus loin, les Mille-Îles se révélaient dans toute leur magnificence.

Après avoir admiré le spectacle qui s’offrait à sa vue, car il n’était pas insensible à ces choses, il se retourna lentement et, alors, un cri de surprise lui échappa.

Tout près de lui, à ses pieds, un jardin, à la végétation luxuriante contrastait violemment avec la nudité du reste de l’île. Il était évident que ce jardin, après avoir été tracé et formé par un excellent jardinier, avait été ensuite abandonné pendant de longues années, car les mauvaises herbes se mêlaient aux plantes d’agrément, le tout poussant au hasard, sans ordre, sans symétrie et envahissaient les allées. Cependant, des sentiers étaient nettement tracés dans ce fouillis, préservés, semblait-il, par la stérilité de leur sol, ou, qui sait ? par des pas humains. Tous ces sentiers intacts conduisaient, soit à des massifs de fleurs épargnés par les mauvaises herbes, soit à des bancs de pierre adossés à des arbres.

Il se dégageait de ce jardin une étrange impression d’abandon et de présence occulte, tout à la fois. Cela sentait le mystère sans qu’il fût possible de dire exactement pourquoi.

Mais cette surprise n’était rien auprès de celle qu’éprouva Hughes Dufresne en portant ses regards plus loin.

En effet, là-bas, au bout du jardin, s’élevait une immense bâtisse, colosse de pierres qui rappelait à s’y méprendre les châteaux du Rhin.

Vous l’avez deviné déjà, mon ami avait atterri précisément dans l’île mystérieuse qui vous passionne si fort depuis le midi.


— V —


Le premier étonnement passé, Hughes se félicita de sa bonne fortune qui l’avait amené dans un endroit ainsi civilisé et il résolut d’en profiter.

Descendant du roc qui lui servait d’observatoire, il traversa le jardin et se dirigea vers ce qui lui paraissait être le portail principal de l’énorme maison.

La porte, en chêne massif et sculptée, était ornée de ferronneries ouvragées, de clous à la tête démesurée et d’une forme bizarre, de gonds se prolongeant sur toute la largeur du vantail et d’une poignée représentant une figure grimaçante.

Il y avait aussi un heurtoir de dimensions proportionnées au reste et conçu dans le même style que les autres ornements.

Hughes souleva ce heurtoir qui retomba en faisant un bruit énorme, prolongé par l’écho rebondissant, semblait-il, dans le vide de longs corridors.

Plusieurs minutes se passèrent. Malgré le tapage qu’avait fait le coup de heurtoir, personne ne paraissait l’avoir entendu. Peut-être les hôtes du château se trouvaient-ils dans une pièce trop éloignée ? La bâtisse était si grande !