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Quelque temps après, Buisson revint me voir.

— Eh bè, ce traité ?…

— Ce traité ?… Ah oui !… ce traité… Eh bien, Hostein hésite, il ne comprend pas…

— C’est un imbécile !

Au ton amer et dur dont le doux musicien prononça ces mots, je me rendis compte de toute l’étendue de mon crime. Grisé par mon enthousiasme, mes éloges, envolé, détraqué, perdu, le tambourinaire provençal se prenait sérieusement pour un grand homme, et comptait — ne le lui avais-je pas dit, hélas ! — que Paris lui réservait des triomphes ? Allez donc arrêter un tambourin roulant ainsi à grand fracas, à travers les rochers et les fourrés d’épines, sur la pente de l’illusion ! Je n’essayai point, c’eût été folie et peine perdue.

Buisson, d’ailleurs, avait maintenant d’autres admirateurs, et des plus illustres : Félicien David, et Théophile Gautier, à qui Mistral avait écrit en même temps qu’à moi. Âmes de poète et de rêveur facilement séduites, promptes à s’abstraire, l’auteur du