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trer ici et de ne vous jamais revoir. (Il se lève.) J’arrivai sur la place, on sortait des vêpres. En un instant je me suis vu entouré d’une foule de braves gens tout étonnés de me trouver dehors sans vous, et voilà les petits enfants qui me tirent par les pans de mon habit : « Bonjour, parrain Ambroix ; êtes-vous malade, parrain Ambroix ? » Puis la femme du juge de paix s’approche à son tour : « Madame Ambroix est donc souffrante, monsieur ? lui serait-il arrivé un accident ? » Et là-dessus trente voix partent ensemble : « Rentrez, rentrez, monsieur Ambroix ; nous allons chercher le médecin. » Et moi, j’étais là, bégayant, balbutiant, ne trouvant rien à répondre et rougissant de honte à l’idée que mon cœur allait peut-être me trahir.

madame ambroix

Ah ! mon Dieu !

ambroix

Rassurez-vous. J’ai réuni mes forces pour sourire de mon mieux, et j’ai dit à ces bonnes gens qu’il ne m’était rien arrivé, que tout simplement vous aviez oublié votre chapelet à l’église, et que j’avais voulu aller le chercher moi-même, tout seul, comme un homme.

madame ambroix

Ah ! vous êtes bon !

ambroix

Mon explication a paru satisfaire tout le monde ; mais j’ai dû, pour continuer mon rôle jusqu’au bout, entrer dans cette église où, moitié par insouciance, moitié par paresse, je n’avais pas mis le pied depuis