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de la bonne tenue des demoiselles. La jeune fille se contentait de manger ces broutilles en roulant des yeux comiques, la narine éperdument ouverte vers la côtelette de Roumestan, et murmurant tout bas, rien que pour Rosalie :

— Comme ça tombe !… Justement j’ai monté à cheval ce matin… J’ai une faim de grande route.

Elle gardait encore son amazone qui allait bien à sa taille longue, souple, comme le petit col garçon à sa figure mutine, irrégulière, tout animée de la course au grand air. Et sa promenade du matin l’ayant mise en goût :

— À propos, Numa… Et Valmajour, quand irons-nous le voir ?

— Qui ça, Valmajour ? fit Roumestan, dont la cervelle fuyante avait déjà perdu le souvenir du tambourinaire… Té, c’est vrai, Valmajour… Je n’y pensais plus… Quel artiste !

Il se montait, revoyait les arceaux des arènes virant et farandolant au rythme sourd du tambourin qui l’agitait de mémoire, lui bourdonnait au creux de l’estomac. Et, subitement décidé :

— Tante Portal, prêtez-nous donc la berline…Nous allons partir après déjeuner.

Le sourcil de la tante se fronça sur deux gros yeux flambant comme ceux d’une idole japonaise.

— La berline… Avaï !… Et pourquoi faire ?… Au moins, tu ne vas pas mener tes dames chez ce joueur de tutu-panpan.

Ce « tutu-panpan » rendait si bien le double instrument, fifre et tambour, que Roumestan se mit