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yeux une seconde, buvant ses larmes. Une main qui tremblait se posa sur la sienne. Il était là, devant elle, ému, piteux, tourmenté d’une effusion qu’il n’osait pas.

« Embrassez-vous !… » dit Hortense.

Rosalie approcha son front où Numa posait timidement les lèvres.

« Non, non… pas ça… à pleins bras, comme quand on s’aime… »

Il saisit sa femme, l’étreignit d’un long sanglot, pendant que tombait la nuit dans la grande chambre, par pitié pour celle qui les avait jetés sur le cœur l’un de l’autre. Ce fut sa dernière manifestation de vie. Elle resta dès lors absorbée, distraite, indifférente à tout ce qui se passait autour d’elle, sans répondre à ces désolations du départ, où il n’y a pas de réponse, gardant sur son jeune visage cette expression de sourde et hautaine rancune de ceux qui meurent trop tôt pour leur ardeur de vivre et à qui les désillusions n’avaient pas dit leur dernier mot.