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craignant d’y retrouver ses larmes ni même depuis sa grossesse, par une superstition bien maternelle, de peur de se porter malheur encore une fois, avec cette caresse précoce donnée a l’enfant qui va naître, à travers son petit trousseau.

Elle avait, cette vaillante femme, toutes les nervosités de la femme, tous ses tremblements, ses resserrements frileux de mimosa ; le monde, qui juge sans comprendre, la trouvait froide, comme les ignorants s’imaginent que les fleurs ne vivent pas. Mais maintenant, son espoir ayant six mois, il fallait bien tirer tous ces petits objets de leurs plis de deuil et d’enfermement, les visiter, les transformer peut-être ; car la mode change même pour les nouveau-nés, on ne les enrubanne pas toujours de la même manière. C’est pour ce travail tout intime que Rosalie s’était soigneusement enfermée et dans le grand ministère affairé, paperassant, le bourdonnement des rapports, le fiévreux va-et-vient des bureaux aux divisions, il n’y avait certainement rien d’aussi sérieux, d’aussi émouvant que cette femme à genoux devant un tiroir ouvert, le cœur battant et les mains tremblantes.

Elle leva les dentelles un peu jaunies qui préservaient avec des parfums tout ce blanc d’innocentes toilettes, les béguins, les brassières, par rang d’âge et de taille, la robe pour le baptême, la guimpe à petits plis, des bas de poupée. Elle se revit là-bas à Orsay, doucement alanguie, travaillant des heures entières à l’ombre du grand catalpa dont les calices blancs tombaient dans la corbeille à ouvrage parmi ses pelotons et ses fins ciseaux de brodeuse, toute