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lui dire qu’il allait gare Saint-Lazare. Pourquoi ses actes ne répondaient-ils jamais à ses paroles ?…

Une autre inquiétude l’attendait dans la chambre de sa sœur, où elle sentit en entrant l’arrêt d’une discussion entre Hortense et Audiberte, qui gardait sa figure de tempête, le ruban frémissant sur ses cheveux de furie. La présence de Rosalie la retenait, c’était visible aux lèvres, aux sourcils serrés méchamment ; pourtant la jeune femme, s’informant de ses nouvelles, elle fut bien forcée de lui répondre, et parla alors fiévreusement de l’eskating, des belles conditions qu’on leur faisait, puis, s’étonnant de son calme, demanda presque insolente :

— Est-ce que Madame ne viendra pas entendre mon frère ?… C’est quelque chose qui en vaut la peine, au moins, rien que pour le voir dans ses habillements !

Décrit par elle, en son dictionnaire paysan, des crevés de la toque à la pointe courbe des souliers, ce costume ridicule mit au supplice la pauvre Hortense qui n’osait plus lever les yeux sur sa sœur. Rosalie s’excusa ; l’état de sa santé ne lui permettait pas le théâtre. En outre, il y avait à Paris certains endroits de plaisir où toutes les femmes ne pouvaient aller. La paysanne l’arrêta aux premiers mots.

« Pardon… Moi, j’y vais bien et je pense que j’en vaux une autre… je n’ai jamais fait le mal, moi ; j’ai toujours rempli mes devoirs de réligion. »

Elle élevait la voix, sans rien de sa timidité ancienne, comme si elle eût acquis des droits dans la maison. Mais Rosalie était bien trop bonne, trop