Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/250

Cette page n’a pas encore été corrigée

la chambre se trouva subitement plongée dans une nuit noire par le retour des hautes persiennes que le vent fermait l’une après l’autre. On entendit battre des portes, une clef tomber, des tourbillons de feuilles et de fleurs rouler sur le sable jusqu’au seuil où soufflait la bourrasque plaintivement.

— Quel orage ! lui dit-elle tout bas en prenant sa main brûlante et l’attirant presque sous les rideaux…

« Et, messieurs, ces recommandations suprêmes de la mère de Bayard, venues à nous dans la tant douce langue du moyen âge… »

C’était à Chambéry, en vue du vieux château des ducs de Savoie et de ce merveilleux amphithéâtre de vertes collines et de montagnes neigeuses auquel Chateaubriand songeait devant le Taygète, que le grand maître de l’Université parlait cette fois, entouré d’habits brodés, de palmes, d’hermines, d’épaulettes à gros grains, dominant une foule immense soulevée par la puissance de sa verve, le geste de sa main robuste tenant encore la petite truelle à manche d’ivoire qui venait de cimenter la première pierre du lycée…

« Nous voudrions que l’Université de France les adressât à chacun de ses enfants : Pierre, mon amy, je vous recommande devant toutes choses… »

Et tandis qu’il citait ces touchantes paroles, une émotion faisait trembler sa main, sa voix, ses larges joues, au souvenir de la grande chambre odorante où, dans l’agitation d’un orage mémorable, avait été composé le discours de Chambéry.