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parlé ; mais, avec Bompard, il fallait s’attendre à des surprises. On le fit monter dans la voiture, son très pacifique cheval docilement attelé derrière, et l’on se dirigea vers le Château-Bayard, dont les deux tours poivrières, piètrement restaurées, se distinguaient sur un plateau.

Une servante vint au-devant d’eux, montagnarde finaude, aux ordres d’un vieux prêtre, ancien desservant des paroisses voisines, qui habite Château-Bayard, à la charge d’en laisser l’entrée libre aux touristes. Quand une visite est signalée, le prêtre, très digne, monte dans sa chambre, à moins qu’il ne s’agisse de personnages ; mais le ministre en partie fine se gardait bien de donner ses titres, et ce fut comme à de simples visiteurs que la domestique montra, avec les phrases apprises et le ton psalmodique de ces gens-là, ce qui reste de l’ancien manoir du chevalier sans peur et sans reproche, pendant que le cocher installait le déjeuner sous une tonnelle du petit jardin.

« Ici l’ancienne chapelle où le bon chevalier matin et soir… Je prie mesdames et messieurs de considérer l’épaisseur des murailles. »

On ne considérait rien du tout. Il faisait noir, on butait contre des gravats qu’éclairait à demi le jour d’une meurtrière glissant sur un grenier à foin établi dans les poutres du plafond. Numa, le bras de sa petite sous le sien, se moquait un peu du chevalier Bayard et de « sa respectable mère, la dame Hélène des Allemans ». Cette odeur de vieilles choses les ennuyait et même un moment, pour tâter l’écho des voûtes de la cuisine, madame Bachellery